Bangkok, Thaïlande | 28-30 mars 2018
Lors du 5 e Forum Asie-Pacifique pour le développement durable, le Partenariat des OSC pour l’efficacité du développement (POED) s’est uni à d’autres organisations de la société civile (OSC) pour faire un état des lieux critique de la mise en œuvre du Programme 2030, trois ans après son adoption.
Le POED salue la détermination continue de la région Asie-Pacifique à envisager de plus amples mesures pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Le Mécanisme régional de mobilisation des organisations de la société civile de l’Asie et du Pacifique est un processus unique auquel le POED et ses membres participent pour souligner les préoccupations des populations de la région et rendre compte de leur réalité.
Le POED, néanmoins, est fortement préoccupé par les progrès inégaux dans la mise en œuvre du Programme 2030 et par la lenteur du processus. La plateforme craint que le processus régional du Forum soit au point mort. Bien qu’elle ait été lancée en 2015 puis adoptée en 2017, la Feuille de route régionale pour la mise en œuvre du Programme 2030 n’a pas été discutée en détail lors du Forum. Le processus s’est arrêté en raison du faible engagement des États Membres à appliquer la Feuille de route.
Le suivi de la mise en œuvre à l’échelle nationale et régionale demeure un défi majeur, alors que les références aux principes de la coopération efficace au développement (CED) et à l’approche fondée sur les droits de l’homme (AFDH) restent limitées. Parallèlement, le rétrécissement des espaces dévolus à la société civile se poursuit et l’on constate un manque de responsabilisation de la part d’acteurs clés du développement, notamment les États, les entreprises et les institutions financières. Le processus associé aux examens nationaux volontaires (ENV) reste entaché par l’exclusion manifeste des OSC.
Le POED appelle les gouvernements à renouveler leur engagement à assoir un développement durable réel en faisant progresser la mise en œuvre de la Feuille de route régional afin de rendre compte de résultats lors du FPHN.
Le POED recommande d’adopter les points suivants qui constituent autant de conditions préalables à la mise en œuvre du Programme 2030 et à la réalisation des ODD dans la région Asie-Pacifique :
Promouvoir des partenariats efficaces
Lors du Forum, il a été souligné que les partenariats étaient d’importants mécanismes pour atteindre les ODD. Le POED insiste sur l’importance de partenariats ouverts pour répondre à ces objectifs. Pour cela, les partenariats doivent reposer sur les principes de la CED et de l’AFDH. La CED part d’une compréhension critique des processus de développement. Elle examine en particulier les contenus et objectifs des politiques d’aide et de développement, ainsi que la nature politique des relations dans le développement. La CED met en place des structures ouvertes pour assurer la responsabilisation des donateurs, y compris des pays donateurs, elle défend l’alignement des priorités des pays donateurs sur les plans de développement nationaux et appelle à l’accessibilité complète des données sur l’aide.
Renforcer la responsabilisation du secteur privé
Le financement privé ne permet pas forcément de répondre aux objectifs du développement durable. Il est souvent davantage tourné vers la maximisation des profits et ne profite qu’indirectement et très faiblement à l’éradication de la pauvreté. L’utilisation de financements privés doit se faire dans le respect des normes les plus élevées en matière de transparence et de responsabilisation. Cette condition doit être remplie si nous voulons que le secteur privé instaure un changement positif dans la réalisation des ODD. Actuellement, les normes et les mécanismes qui obligent le secteur privé à rendre des comptes demeurent faibles et font défaut. La participation du secteur privé au développement doit s’aligner sur la CED et reposer sur les normes internationales en matière de transparence et de responsabilisation. Le droit à un travail décent en fait partie.
Les gouvernements doivent respecter la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail qui englobe le droit de former des syndicats, le droit de négociation collective, le droit à la protection contre toute forme de discrimination au travail, contre l’esclavage et les conditions analogues à l’esclavage, ainsi que l’élimination du travail des enfants. De manière générale, les mécanismes de réglementation et les règlements contraignants qui relèvent des normes relatives aux droits de l’homme, au travail et à l’environnement doivent être renforcés et s’appliquer à toutes les actions du secteur privé.
Mieux gérer les moyens financiers adressés aux personnes
L’aide publique au développement (APD) demeure une source de financement primordiale, notamment pour les pays les moins développés et les pays en développement qui n’ont pas les ressources financières suffisantes pour assurer leur propre développement socioéconomique. L’APD ne doit pas être vue comme un engagement altruiste des pays développés, mais plutôt comme le règlement de la dette historique et écologique dont ils doivent s’acquitter. L’APD des membres du CAD de l’OCDE a nettement diminué depuis 2010 et les ODD n’ont pas réussi à obtenir plus que le faible taux de 0,7 % du RNB à l’APD, alors que les dépenses militaires, pendant ce temps, continuent d’augmenter. Les flux d’APD restent conditionnels, de nombreux pays utilisant l’aide comme un effet de levier pour stimuler les investissements privés ou les partenariats public-privé, notamment dans les projets d’infrastructure. Cela comporte des risques considérables, car les financements privés, guidés par le profit, entraînent une fourniture inégale de biens publics et de services sociaux.
Pour qu’elle devienne une source et un mécanisme de financement du développement efficaces dans la Feuille de route régionale, l’APD ne doit pas seulement croître quantitativement parlant, mais aussi voir sa qualité et son efficacité s’améliorer. Des engagements en matière d’APD doivent être pris pour soutenir les progrès des pays. Ces derniers doivent être centrés sur les besoins des personnes et l’exercice de leurs droits, tout en protégeant l’environnement.
Encourager un environnement propice à la société civile
La société civile a progressivement et constamment renforcé son rôle et sa pertinence dans la communauté internationale, notamment au sein du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement (PMCED). À Paris (2005), les OSC étaient présentes à titre d’observateurs, à Accra (2008), elles ont été reconnues comme « des acteurs du développement en soi », à Busan (2011), les gouvernements se sont engagés à créer un « environnement favorable » à la société civile.
Cependant, l’environnement qui lui est dévolu s’est aggravé au fil des années. Jour après jour, le rétrécissement et la fermeture des espaces dévolus à la société civile deviennent des pratiques courantes. Les États Membres doivent s’engager à renverser cette tendance et aller plus loin dans ce domaine. Le rôle des OSC dans le suivi de la mise en œuvre et l’examen du Programme 2030 au FPHN doit être reconnu à tous les niveaux, notamment dans les ENV.
La détermination du POED à mettre en œuvre le Programme 2030 demeure ferme. Le POED rappelle que cette mise en œuvre ne peut être effective que si elle repose sur des mécanismes d’application qui doivent renforcer la transparence et la responsabilisation de tous les acteurs. Le POED continue d’appeler à une application universelle de la coopération efficace au développement dans ce processus. Les principes de la CED sont cruciaux pour le partenariat mondial pour le développement durable et la mise en œuvre des ODD.
1Le Forum Asie-Pacifique pour le développement durable est un événement régional ouvert organisé en préparation du Forum politique de haut niveau pour le développement durable (FPHN) dont la prochaine édition se tiendra au siège de l’ONU, à New York, en juillet 2018, sous les auspices du Conseil économique et social. À l’occasion du 5e Forum Asie-Pacifique pour le développement durable, des États Membres, des organismes des Nations Unies, d’autres organisations internationales, des grands groupes et d’autres parties prenantes mettront en avant différents points de vue régionaux et sous-régionaux liés au thème de l’édition 2018 du FPHN.